Le 11 mars 2021
Tournons La Page a appris le 8 mars via des médias internationaux, l’attribution du Prix « Mo Ibrahim » au président nigérien sortant Mahamadou Issoufou. L’indice « Mo Ibrahim », produit par la fondation du même nom, est construit sur la base d’indicateurs, repartis au sein de 4 grands axes principaux à savoir : la sécurité et l’État de droit ; la participation et les droits humains ; le développement économique durable ; le développement humain. Cet indice, reconnu internationalement et servant de base à l’obtention du prix « Mo Ibrahim », est censé évaluer la gouvernance des États tant sur la transparence, la redevabilité des dirigeants, la corruption, le respect des droits humains et des libertés fondamentales que sur le climat politique ou l’accès aux besoins fondamentaux que sont l’éducation, la santé ou l’eau… Si ce prix est décerné pour récompenser le leadership d’excellence en Afrique et au regard des 95 indicateurs contenus dans l’Indice Mo Ibrahim, il est légitime d’émettre des doutes sur le choix porté sur le président nigérien Mahamadou Issoufou. En effet, le Niger n’atteint par exemple même pas 50% d’approbation dans les catégories « niveau de gouvernance » (47,8%) ou « Participation Droits et Inclusion » (49,5%).
Nous, dont des dizaines de membres ont été incarcérés au Niger sans procès à de nombreuses reprises depuis 4 ans ;
Nous, qui avons vu la lente dégradation de la situation économique avec des scandales de corruptions importants (MDN Gate, Uraniumgate…) ;
Nous, qui avons vu la liberté de la presse s’éroder au point d’alerter les plus grandes ONG spécialisées (RSF, CPJ…) sur la situation ;
Nous, qui essuyons plus de 20 interdictions successives de manifestation en 2 ans ;
Nous, qui avons vu l’espace civique être restreint au point que l’ONG Civicus ajoute le Niger à sa « liste de vigilance » et qualifie le pays comme « réprimé ».
Pour nous, ce prix sonne comme une offense à tous les citoyens nigériens qui depuis 10 ans payent le prix d’une gouvernance dysfonctionnelle.
Ce prix intervient qui plus dans un climat de division profonde et de polarisation violente de la vie politique et sociale, dont le président Mahamadou Issoufou est le premier responsable. Il y a encore quelques jours, des centaines de militants de l’opposition politique étaient emprisonnés et internet était coupé pendant 10 jours, installant le Niger dans une crise post-électorale violente. Donner ce prix alors que le contentieux électoral n’est pas soldé et implique le dauphin du président est au mieux maladroit, au pire une forme d’ingérence.
Par ailleurs, le lauréat du Prix Mo Ibrahim doit répondre aux critères suivants : être un ancien président ou premier ministre ; ayant quitté sa fonction depuis maximum 3 ans ; élu démocratiquement ; ayant terminé son mandat constitutionnel ; démontrant un leadership exceptionnel. Or, jusqu’à avril 2021, M. Issoufou est le président du Niger, il n’a pas quitté sa fonction et n’a donc pas fini son mandat constitutionnel. Peut-on vraiment établir un prix récompensant la bonne gouvernance en ne respectant pas ses propres règles ? Enfin, dans un pays miné par l’extrême pauvreté (le Niger figure parmi les dernières places du classement d’indice de développement humain) et dans lequel le citoyen perçoit souvent la politique comme un moyen de s’enrichir, comment percevoir l’obtention avant même la fin de son mandat de 5 millions de dollars par le Président autrement que comme une retraite dorée bien éloignée des difficultés quotidiennes des Nigériens ?
Tournons La Page tient à rappeler que partir après deux mandats n’est que le respect de la loi fondamentale. Bien que souvent piétinée ailleurs en Afrique, la limitation de mandat n’est qu’une condition de la bonne gouvernance. Honoré d’un prix richement doté un homme ayant respecté un seul article de la constitution à défaut de nombreux autres, c’est consacrer la faillite de la démocratie en Afrique. Tournons La Page ne peut s’y résigner.
Pour le mouvement Tournons La Page
Le Coordinateur TLP-Niger, Maikoul Zodi
Le Coordinateur TLP-RDC, Jean-Chrysostome Kijana
Le Coordinateur TLP-Tchad, Jacques Ngarassal
Le Coordinateur TLP-RCI, Alexandre Didier Amani
Le Coordinatrice TLP-Gabon, Nathalie Zemo
Le Coordinateur TLP-Congo, Brice Mackosso
Le Coordinateur TLP-Burundi, Janvier Bigirimana