Dans une interview accordée à la radio publique allemande DW en français, pour une durée de plus de 13 minutes, monsieur Bazoum, a critiqué directement les militants de Tournons La Page Niger et principalement son coordinateur qu’il a eu l’outrecuidance de traiter de militant d’un parti de l’opposition. Cette posture ne nous surprend guère, dès lors que par le passé, le régime dont il faisait et fait toujours partie, s’est illustré par le refus et la négation du pluralisme d’opinion. Nous avons subi la loi de la force et non la force de la loi ! La force de notre conviction quant à elle, est profonde et inébranlable.
Dans cette interview, monsieur Bazoum s’attaque aux fondamentaux de la liberté civique et d’association. Il faut qu’il le sache ici : nous tirons notre légitimité de la Constitution du 25 novembre 2010 mais également du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques et de tous les instruments juridiques internationaux ratifiés par le Niger. Ni lui ni personne d’autre ne peut prétendre être un régulateur des mouvements sociaux au Niger. Nous tenons à dire à monsieur Bazoum que la société civile est certes au cœur de la politique mais en restant apartisane, neutre, sans participer ni à la conquête du pouvoir ni à sa gestion. Le rôle que nous menons est celui de la participation à l’ouverture de l’espace civique, au contrôle du respect du processus démocratique et de la bonne gouvernance dans notre pays. Nous faisons en sorte que la voie de tous les Nigériens, dont les marginalisés, puisse être entendue.
Mohamed Bazoum a dit dans son interview que « Tournons La Page au Niger est animé par un militant patenté de Lumana, qui est le parti le plus radical au Niger, ce qu’il dit n’a plus de valeur ». Voilà, quelqu’un qui aspire diriger le Niger considère déjà que ce qu’un citoyen dit, fut-ce-t-il militant d’un parti de l’opposition, n’a plus de valeur. Comment avec de tels comportements intolérants peut-on prétendre diriger un pays dans la paix et la concorde ?
Mais nous ne sommes nullement étonnés de cette attitude, qui reste le cliché d’un homme dont le doute et le faux entourent l’histoire. Il affirme clairement son intention de mettre de l’ordre dans les mouvements associatifs y compris par l’utilisation des voies diplomatiques. Que veut–il dire concrètement ? En 2018 déjà le gouvernement dont il était Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur a réussi à suspendre le partenariat entre Alternative Espaces Citoyens et des partenaires internationaux. Il affirmait déjà à l’époque avoir réglé des comptes avec les activistes de la société civile jetés en prison. En vérité, nous avons compris que l’homme déambule, erre sans objectif précis, développant une incohérence communicationnelle phénoménale. Sinon comment comprendre que Monsieur Bazoum soutienne que certains se cachent derrière la société civile pour faire de la politique et veut prendre des mesures pour y mettre un terme ; et dans un même temps reconnaisse qu’il existe une autre société civile, favorable à son propre camp et exempte de tout reproche. Il affirme qu’il n’y a pas de société civile neutre, ils ont la leur, la société civile d’État dont l’indépendance est à questionner, et l’autre qui le dérange. Il accuse cette dernière qui ne le soutient pas de vouloir faire de l’insurrection car selon lui, lutter contre la corruption et les détournements de deniers publics, les lois liberticides, le rétrécissement de l’espace civique, l’accaparement des ressources et de manière plus générale s’engager pour le développement du Niger et de sa population est de l’insurrection.
Comment un candidat soutenu par individus soupçonnés de banditisme, de trafics de tout genre dont certains ont été épinglés dans le dossier de détournement au ministère de la défense nationale, va-t-il avoir la légitimité de sermonner les Nigériens ? Face à son déficit de légitimité et de probité, monsieur Bazoum use d’une triste rhétorique, l’attaque ad personam et la diabolisation pour tenter d’influencer l’opinion nationale et internationale.
Lui qui demande des preuves des fraudes commises lors du premier tour des élections présidentielles, preuves que nous avons apportées dans notre rapport sous formes de photos, vidéos et témoignages, quelle preuve a-t-il des allégations qu’il avance de notre appartenance à des partis politiques de l’opposition ? Nous mettons monsieur Bazoum au défi de prouver ses dires pour édifier l’opinion nationale et internationale. Nous l’affirmons, nous sommes un mouvement indépendant au service de tous les Nigériens, nos prises de position sont des prises de position citoyennes et patriotiques. S’il faut le rappeler à nouveau, nous ne travaillons que pour notre réseau de 14 associations au Niger et 230 dans toute l’Afrique. Personne ne nous dicte notre conduite, qu’il soit au pouvoir ou dans l’opposition. Notre charte internationale exclut de nos organes de gouvernance tout militant ou responsable politique.
Quand le gouvernent ne fait pas bien son travail, qu’une politique publique peut conduire de façon catastrophique à la situation que nous vivons aujourd’hui dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’économie ou encore de la sécurité dans notre pays, c’est tout naturellement que des voix s’élèvent contre lui. Nous faisons de l’opposition civile qui consiste à dénoncer des politiques publiques inefficaces de nature à détruire les intérêts des citoyens et à saper les droits humains que nous défendons.
M. Bazoum oublie aussi que la face répressive de son parti et du gouvernement dont il était membre en tant que ministre de l’intérieur a éclaté au grand jour ces dernières années. Plus de 30 membres de notre mouvement ont été arrêtés pendant plusieurs mois, sans qu’aucun dossier n’aboutisse à des condamnations. Cette répression a fait l’objet de débats de Paris à Washington en passant par Berlin. Elle a conduit à ce que notre mouvement, malgré ses critiques de certaines politiques françaises en Afrique, soit récompensé du prix des droits de l’Homme de la République Française en 2018, lors du 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du 20ème anniversaire de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme.
Nous sommes debout et plus que jamais déterminés, peu importe qui sera élu à la tête de notre Nation, à jouer notre rôle d’acteur de la société civile indépendante et notre rôle d’esprit critique et de contrôle citoyen de l’action publique. Nous ne nous reconnaissons pas comme société civile d’un camp ou d’un autre mais comme société civile nigérienne avec nos convictions, notre ligne de conduite, nos objectifs, nos statuts et notre vision.
Niamey, le 17 février 2021
Le coordinateur
Maikoul ZODI