Privé de sécurité et des droits fondamentaux, civiques, économiques et sociaux garantis par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et le protocole additionnel A/SP1/12/01 de la CEDEAO, le peuple Malien ne saurait être sanctionné une seconde fois par l’adoption, à son encontre, de sanctions illégales et injustes. Parce qu’elles risquent de détériorer encore plus l’accès aux services sociaux de base des citoyen.ne.s malien.ne.s, les sanctions de la CEDEAO, de l’UEMOA et de la BCEAO doivent être revues au profit d’un compromis équitable et respectueux des droits humains, permettant la restauration de la paix, la sécurité et la tenue d’élections indépendantes, libres, transparentes et inclusives dans un délai raisonnable. TLP ne cautionne en rien la présence d’une junte au pouvoir et appelle tous les acteurs politiques nationaux et internationaux à cesser les injonctions martiales et les décisions belliqueuses qui creusent le lit d’une crise insurmontable.
Le Mali traverse, depuis plus d’une décennie, une crise sécuritaire politique et sociale que l’État et les gouvernements maliens, la CEDEAO, ainsi que les forces armées nationales et internationales ont été incapables de résoudre. Les éléments déclencheurs de cette crise multiforme trouvent leur source dans les manquements graves et répétés aux principes de la démocratie, de la bonne gouvernance et de la lutte contre la pauvreté. L’ensemble des forces politiques et la société civile du Mali, avaient avant cette crise, dénoncé avec persistance mais en vain, le manque avéré d'intégrité et de transparence des processus électoraux et de la corruption criante, y compris dans la gestion des fonds destinés à l’équipement de l’armée malienne. De nombreux acteurs de la vie sociale et politique du Mali se sont alors mobilisés pour exiger le départ des représentants d’un Etat failli et de ses soutiens, dans un contexte d’attaques terroristes qui causent et continuent de causer au Mali et dans le Sahel :
- Des milliers de morts et de blessés,
- La destruction des biens, ainsi que des moyens de production et de survie des populations,
- Leurs déplacements massifs à la suite de cette insécurité,
- Et particulièrement au Mali, le délitement de l’Etat qui a abandonné dans certaines régions, ses missions régaliennes de défense et de sécurité intérieure et extérieure, de police, de justice ainsi que la fourniture des services de base telles que l’éducation ou la santé.
Pourtant, ces principes sont défendus aussi bien par le protocole additionnel A/SP1/12/01 de la CEDEAO que par la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de l’Union africaine. Dans leur mission de prévention des conflits, les signataires du Protocole additionnel de 2001 de la CEDEAO se disent, dans le préambule de ce protocole « préoccupés également par les conflits qui sont de plus en plus engendrés par l’intolérance religieuse, la marginalisation politique et la non-transparence du processus électoral ».
Quant à la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de l’Union africaine adoptée en 2007 et entrée en vigueur en 2012, les signataires réaffirment, également dans son préambule « leur volonté collective d’œuvrer sans relâche pour l’approfondissement et la consolidation de la démocratie, de l’Etat de droit, de la paix, de la sécurité et du développement dans nos pays» et, se disant « Résolus à promouvoir les valeurs universelles et les principes de la démocratie, la bonne gouvernance, les droits de l’homme et le droit au développement », se déclarent « soucieux d’enraciner dans le continent une culture d’alternance politique fondée sur la tenue régulière d’élections transparentes, libres et justes, conduites par des organes électoraux nationaux, indépendants, compétents et impartiaux ».
Tournons La Page (TLP) s’étonne donc que les sanctions annoncées à la suite du sommet extraordinaire de la CEDEAO sur le Mali qui a eu lieu à Accra le 9 janvier 2022 se réfèrent au protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de 2001. Pourtant l’institution n’a jamais veillé à son application ni au Mali, ni dans une sous-région minée par les coups force constitutionnels, électoraux et militaires qui se sont accélérés depuis 2005, dans un silence complice, voire avec un soutien actif dans certains cas.
TLP craint que les sanctions décidées par la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement n’accablent davantage le peuple malien, déjà frappé par la pauvreté, les conséquences de la corruption endémique dans l’appareil d’Etat ainsi que par la violence terroriste. Ces sanctions sont d’ailleurs illégales d’une part au regard de l’article 77 traité révisé de la CEDEAO de 1993 définissant les « Sanctions applicables en cas de non-respect des obligations »[1] et d’autre part au regard des statuts de la BCEAO qui précisent, en leur article 4 relatif aux principes de fonctionnement[2], qu’elle ne reçoit d’instruction d’aucune instance, ce qui est le fondement de son indépendance vis-à-vis de tout pouvoir politique.
Depuis sa création en 2014, Tournons La Page (TLP) lutte contre l’accession au pouvoir par un coup d’Etat, que ce soit par les armes et par toutes les formes de violations du droit et des Constitutions. TPL ne saurait donc, quel que soit le contexte local, s’accommoder d’une transition qui marginalise les forces vives de la nation et s’éternise au motif de reconquérir la sécurité et l’intégrité du territoire national.
Attaché à la promotion et à la défense d'une véritable démocratie qui ne soit pas que de façade, et conscient de la solidarité d'intérêt et de destin entre le Mali avec les autres pays de la sous-région ouest africaine, Tournons La Page (TLP), en appelle à la CEDEAO, à l'Union Africaine et à la communauté internationale qu’il exhorte à :
- Lever les sanctions illégales et illégitimes infligées au peuple malien;
- Encourager le lancement rapide d'une transition républicaine fiable et efficace permettant de rétablir l’ordre constitutionnel au Mali, tout en protégeant ses populations les plus vulnérables ;
- Soutenir et appuyer un processus plus efficient pour l'instauration et la consolidation d'une démocratie dans laquelle le peuple malien se reconnaît et retrouve ses aspirations légitimes ;
- Veiller à une application sérieuse et crédible des dispositions du protocole additionnel relatives à la transparence et à la fiabilité des élections.
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Composé de plus de 200 organisations de la société civile africaines et européennes, Tournons La Page (TLP) est un mouvement citoyen qui milite pour l'alternance démocratique et la bonne gouvernance.
[1] https://www.ecowas.int/wp-content/uploads/2015/02/Traite-Revise.pdf , article 77 pages 43-44
[2] https://www.bceao.int/sites/default/files/inline-files/StatutsBCEAO2010_0.pdf , page 3