Le 18 octobre s’est tenue en Guinée une élection présidentielle dont la préparation et le contexte auguraient du pire. Parvenu à être candidat à un 3ème mandat au prix d’une répression sanglante des manifestations contre la modification de la constitution (au moins 52 morts), le président Alpha Condé et ses proches ont instauré un climat de tensions qui a éclaté quelques heures après la fermeture des bureaux de vote.
Plusieurs personnes ont été tuées (16 personnes selon le Front National de Défense de la Constitution dont deux de ses membres ; au moins 4 selon le ministère de la Sécurité) dans des heurts entre partisans de l'opposition et forces de l'ordre, mercredi 21 octobre, à Conakry, trois jours après l'élection présidentielle guinéenne. Les résultats partiels publiés par la CENI qui donnent Alpha Condé en tête au premier tour, sont vivement contestés par son rival Cellou Dalein Diallo qui a revendiqué la victoire dès le lendemain des élections.
La campagne présidentielle a exacerbé des divisions communautaires que les discours d’apaisement des différents candidats ne peuvent contenir. La Cour Pénale Internationale ou les Nations Unies avaient d’ailleurs pris position en amont des élections pour dénoncer certains discours de haine et la répression des manifestations pacifiques. La réquisition de l’armée pour le maintien de l’ordre décidée le 22 octobre par le gouvernement risque d’aggraver la situation et contrevient notamment à la recommandation d’avril 2018 de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et du Peuple en la matière.
L’UA et la CEDEAO se sont dites satisfaites du processus électoral, oubliant qu’un processus électoral ne se juge pas uniquement au calme dans lequel s’est tenu le scrutin. Les représentants des instances africaines négligent les fragilités du fichier électoral, la répression de l’opposition et de la société civile ou la défiance d’une partie des acteurs politiques et sociaux envers la Commission Electorale Indépendante (CENI) et cautionnent finalement la violation de la limitation des mandats présidentiels par Alpha Condé. La Charte de la démocratie de l’Union africaine, qui prohibe « toute révision des Constitutions qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique » (article 23) mais aussi l’article 1er alinéa c. du Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO sont encore une fois foulés au pied par les instances censées les défendre.
Du côté des partenaires occidentaux de la Guinée, après des prises de positions communes en début d’année 2020 pour éviter la tenue du référendum constitutionnel ou apporter un soutien à la critique du système électoral par l’OIF ; la France, les Etats-Unis ou l’Union Européenne se sont tus. La candidature à un 3e mandat d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire voisine a peut-être eu raison de ses positions adoptées sur le respect de la Constitution en Guinée.
Face à cette situation qui aura des répercussions importantes dans toute la sous-région, Tournons La Page (TLP) et ses organisations membres recommandent à l’Union africaine, à la CEDEAO, aux Etats-Unis et à l’Union européenne (notamment la France) et ses États membres de :
- Exiger des autorités guinéennes la publication des résultats électoraux bureau de vote par bureau de vote afin de permettre un contrôle de la compilation des résultats et le traitement transparent du potentiel contentieux électoral,
- Condamner les violences post-électorales et de tout faire pour qu’une enquête internationale indépendante puisse être conduite sur les violations des droits commises depuis octobre 2019 en Guinée.
- Protéger les acteurs politiques et de la société civile, les défenseurs des droits humains réclamant la démocratie, notamment à travers un soutien politique et financier tel que défini dans les orientations de l’Union Européenne en la matière. . .
- Sanctionner les responsables du gouvernement guinéen, les membres du parti au pouvoir et leurs alliés en établissant des listes nominatives de ceux qui sont impliqués dans la répression pré et post-électorale: gel et surveillance de leurs avoirs à l’étranger ; interdiction de visa ; annulation des titres de séjour…
- Suspendre tout dispositif de soutien et de formation aux forces de sécurité et de défense guinéennes, responsables de nombreuses exactions largement documentées.
Ont signé :
Tournons La Page Burundi
Tournons La Page Cameroun
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